dimanche 6 février 2011

Le pouvoir qu'ont des robes (de magistrats)



Le corps judiciaire est en émoi. Non, il n'a pas jeté sa robe et on en verrait tous les dessous. Il est fâché de ce pouvoir qu'on lui dérobe jour après jour et le fait savoir.
Le drame de Laëtitia à Pornic ne vous a pas échappé et les accusations directes de l'exécutif non plus, ce qui a mis le feu aux poudres d'une institution réputée pour sa sérénité.
On vient de me transmettre ce texte opportun d'un magistrat importuné (!). Le texte est intéressant parce qu'il montre que même les confins des terres françaises, les Antilles en l'occurrence, sont en première ligne avec leurs collègues de Nantes. C'est aussi et surtout un cri de ralliement, un appel aux armes, qui dépasse l'institution judiciaire et en appelle aussi à la police, à la gendarmerie et à la pénitentiaire pour une union sacrée (tout en restant laïque quand même!).

Le titre est tout un symbole de la colère d'une institution garante de nos (dernières) libertés démocratiques.
Alors nous allons voir le pouvoir qu'ont des robes et si ce troisième pouvoir bafoué va nous réveiller.

Citoyen, écoute et lis!

Aux larmes, Magistrats !

Magistrats de l’Ordre Judiciaire de la République Française ,
 
objets de la vindicte gouvernementale depuis trop longtemps, il nous appartient, en ce début de siècle, de ne pas laisser l’Institution régulatrice de nos relations sociales vilipendée, critiquée et stigmatisée  à chaque malheur qui frappe certains de nos concitoyens et par là-même l’ensemble de notre communauté de vie.
 
Tous regrettons ce qui a pu se produire dans le cours d’une instruction criminelle, au sein d’un établissement pénitentiaire, en post-pénal ou après une mesure alternative, en suite d’un placement sous sauvegarde ou d’une mesure d’assistance éducative, d’un divorce difficile ou d’un bornage, d’un refus de placement en détention ou de non prolongation d’une détention provisoire… les exemples seraient légion ;
 
Mais nous ne pouvons en être tenus pour responsables que pour autant qu’une faute individuelle, établie en tous ses éléments, ait été rapportée préalablement à toute condamnation de principe politico-politicienne.
 
Nous ne pouvons pas plus accepter qu’un Ministre de l’Intérieur soit à la veille de nous donner des instructions, si ce n’est pas déjà le cas, que le Président de la République lui-même nous condamne avant tout procès sans  par nos silences, baisser les armes et cautionner ainsi la mort de la séparation des Pouvoirs.
 
La Justice-Institution n’est pas un pouvoir. C’est un contre-pouvoir, seul outil de  lutte contre l’iniquité, l’inégalité, les passe-droits. Le débat sur l’unité du Corps et la place du parquet, beaucoup moins institutionnel que stratégique (au sens militaire) en est une preuve.
 
Quant à la Justice-Valeur , elle n’appartient pas aux gens de robe qui ne sont engagés que pour la servir ;  elle appartient au Peuple, de manière trans-générationnelle et intemporelle,  et non aux décideurs du moment.
 
Pourtant à cause de ces  prises de position « médiaticorrectes », la Justice Française se meurt à feu pas si petit que çà, les accélérants toujours plus nombreux et toujours plus efficaces.
 
Et ce ne sont pas nos larmes, versées qui dans son cabinet, qui autour d’une table, qui éteindront l’incendie. Les seuls combats perdus d’avance sont ceux qui ne sont pas engagés.
 
Nantes est à présent dans l’œil du cyclone . Demain ce sera peut-être, au hasard d’une récidive ou d’une balle perdue, le tour de votre juridiction.
 
Les syndicats, qui pourrait les en blâmer qui connait leurs moyens, pendants de ceux de l’Institution d’ailleurs,  ne peuvent que s’offusquer de ces attaques malsaines et dangereuses pour la Démocratie. Mais s’offusquer, mettre solennellement en garde, ne suffit plus, si tant était que cela ait été utile  auparavant. Pour preuve, cet ultime débordement, cet ultime outrage aux petits pois que nous ne sommes pas.
 
Seul le corps, dans une solidarité granitique, peut à terme permettre la restauration de l’équilibre constitutionnel.
 
Aujourd’hui  nous devons réagir, montrer un minimum de courage et de détermination pour défendre, au nom du Peuple Français, l’Institution Judiciaire, pilier fondamental de la  Cinquième République.
  
Pour nos concitoyens, pour nos enfants, pour l’avenir, nous, Magistrats Français, devons à présent nous mobiliser –toujours au sens militaire-, en bloquant les rouages qu’entretiennent si précautionneusement nos hiérarques.
Une journée nationale d’action sera parlante pour nos concitoyens, à l’unique condition qu’elle ne soit pas une journée « symbole ».
Mais si après une manifestation, le 10 février ou pas, nous retournons dans nos prétoires, une fois encore, nous aurons agi pour rien. Une fois encore, nous serons taxés de corporatisme épidermique. Une fois encore nous aurons agi de façon contre-productive.
 
 
Cette journée d’action doit s’inscrire dans une démarche durable, un mouvement d’ampleur  tant par sa durée que par sa consistance sociale.
Nous devons dès maintenant y associer tous les gens de robe.
Demain un greffier, un huissier qui auront commis une erreur valant nullité ayant entraîné une mise en liberté avec commission de nouveaux faits seront-t-ils poursuivis par le pouvoir politique ? Après-demain, un avocat ayant usé des voies de droit pour faire libérer son client qui récidivera sera-t-il jeté à la vindicte ?
 
La coupe, pleine depuis longtemps, a débordé avec la récupération politique de l’horrible drame dont Laetitia a été victime.
Le mouvement doit s’intensifier. Les Institutionnels doivent être ralliés à cette cause nationale : barreaux, greffes, huissiers,  police, gendarmerie, pjj, pénitentiaire…
 
Ce n’est pas d’une main tremblante que nous devons exercer nos fonctions. C’est avec la sérénité nécessaire à la conscience, que nous avons, de la gravité de nos décisions.
 
Et si d’aventure certains veulent nous faire croire, évoquant le Justiciable, que ce mouvement, par sa durée et sa fermeté, lui serait plus préjudiciable que profitable, à ceux-là il faudra rappeler l’Histoire de France.
 
Aux larmes, Magistrats, il faut préférer la lutte pour l’espoir.  Car une Nation qui ne croit plus en sa Justice n’est déjà plus une Démocratie.
 
 

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